Je suis frappé par le nombre de sites qui attribuent à saint Jérôme une phrase prétendument scandaleuse, citée sans contexte : « La femme est la racine de tous les maux. »
Il est pour le moins étonnant qu’un des quatre grands Pères de l’Église latine, esprit parmi les plus brillants de l’Antiquité, ait pu écrire cela. Saint Jérôme étant le patron des traducteurs, j’y suis très attaché et j’ai décidé d’enquêter.
Après avoir consulté des dizaines de pages qui reprennent la citation, je n’ai trouvé aucune référence précise : ni l’ouvrage ni la page correspondante, et jamais le moindre contexte — la phrase apparaît toujours isolée.
La source la plus ancienne que j’aie pu retrouver figure dans un livre anglais de Philip Vivian, The Churches and Modern Thought: An Inquiry into the Grounds of Unbelief and an Appeal for Candour (1911), un pamphlet antireligieux. Que l’ouvrage soit maladroit et peu rigoureux ne suffit pas à prouver la fausseté de la citation ; mais, puisqu’aucun renvoi à un texte exact de Jérôme n’apparaît, que j’ai lu une grande partie de son œuvre, que j’ai fouillé les corpus numérisés sans rien trouver d’approchant, et que la phrase est absurde, je peux conclure avec une forte probabilité qu’il s’agit d’une apocryphe.
Par curiosité, voici deux énoncés authentiques, les plus proches, attribués à Jérôme :
Authentique : « La mort est entrée dans le monde par Ève, mais la vie est venue par Marie. » (Lettre à Eustochium.)
Authentique : « L’avidité est la racine de tous les maux. » (Citation d’origine néotestamentaire, Première épître à Timothée.)
Si quelqu’un me démontre que la citation est vraie, je l’invite volontiers à dîner (à Madrid ou alentours) et je publierai un rectificatif sur cette page.
© 2025 Alejandro Moreno Ramos, www.ingenierotraductor.com